CACTUS : TKO Tokyo -Live in Japan (CD/DVD - 2014)

On ne croyait plus à la résurrection de ce groupe mythique qui avait déjà tenté, plusieurs fois par le passé, quelques reformations hasardeuses. Et le voilà qui sort un live ! Incroyable !

Je sais, certains ricanent déjà dans leur barbe. Que peut-on attendre d’un groupe au parcours en dents de scie, vieux de quarante cinq ans ? Eh bien, qu’ils se détrompent car ce concert filmé au Japon est un véritable régal pour les oreilles… et aussi pour les yeux grâce au DVD joint au double album. Carmine Appice, fidèle à lui-même, frappe toujours ses fûts avec autant d’entrain et Jim McCarty nous fait un véritable festival de guitare avec ce style et ce son si personnels (la gratte « élastique »). Il est fort dommage que Tim Bogert ne ce soit pas joint à l’aventure mais son remplaçant assure sans problème. L’harmoniciste Randy Pratt, mâchouille comme un diable même s’il se montre un peu timide au début du show (il reste pratiquement caché par le rideau de scène sur le premier morceau mais il viendra au milieu de ses collègues par la suite). La voix de Jimmy Kunes, l’ancien chanteur de Savoy Brown, colle parfaitement au répertoire de Cactus mais ne fait pas oublier le regretté Rusty Day. Pour la petite histoire (et pour les fans de rock sudiste), Gary Rossington et Allen Collins avaient contacté Rusty et il aurait même participé à plusieurs répétitions avec eux. Rusty a été flingué en 1982 à son domicile, avec son fils et son chien, sans doute pour une sombre histoire de drogue. Et c’est Theresa Gaines (oui, oui, la veuve de Steve Gaines) qui aurait découvert son cadavre.

Mais revenons à ce concert. Le son est impeccable et les musiciens ont l’air heureux de jouer. Jim McCarty n’a rien perdu de sa verve comme le prouve l’intro de « Long Tall Sally » et la démonstration de guitare rock sur « Let Me Swim ». Le bluesy rock « Bro Bill » chatouille le public qui reprend le refrain en chœur. Le groupe délivre aussi une version de « You Can’t Judge A Book By The Cover » (du grand Bo Diddley) à la sauce Cactus. Un grand moment !

« Alaska » swingue toujours autant, même des décennies après. L’harmoniciste s’éclate bien et Jim McCarty envoie un solo expert. A noter aussi l’excellente intro de guitare de Mister Jim sur « Electric Blue ».

Encore du blues rock qui cartonne avec « The Groover » et la démonstration finale de guitare qui démontre la grande forme de Jim McCarty. Sur « Evil », Jim fait glisser les cordes de sa gratte sur un pied de micro, tirant de sa six-cordes des sons dignes de la grande époque. Carmine Appice en profite pour exécuter un époustouflant solo de batterie en faisant le coup de la baguette magique qui change de main tout en frappant les fûts. Quel batteur !

« Big Mama Boogie » n’a pas pris une ride et décline tous les rythmes du boogie blues, du plus lent au plus rapide. Nous avons droit aussi à un « Parchman Farm » de folie et à un solo impressionnant de Jim McCarty. Sur « Randy’s Song, l’harmoniciste fait une belle démonstration de blues, accompagné uniquement par la batterie. Le public ne s’y trompe pas et salue chaudement cette prestation. «Rock N' Roll Children » tape toujours aussi fort et le solo de Jim est indescriptible. Le show se termine par « Part Of The Game », sur lequel Mister Jim donne une sérieuse leçon de guitare blues en grattant des solos terribles, tant en son saturé qu’en son clair. Une seule conclusion s’impose : excellent concert!

Certains lecteurs seront sans doute surpris de cette critique très positive. Mais Cactus, ce « groupe de drogués pour les drogués » (selon les propres paroles de Tim Bogert), ce « Led Zeppelin américain » (selon la presse de l’époque), a participé aux origines du hard rock et ses membres, vivants ou morts, sont des pointures dans le monde de la musique. D’accord, seuls restent Jim McCarty et Carmine Appice du combo d’origine. Mais combien de groupes des seventies peuvent se vanter de conserver leur line-up de départ ? Et puis, quel plaisir de réécouter tous ces grands morceaux d’avant-hier avec le son d’aujourd’hui. Cet album n’est pas une pierre tombale dédiée aux « has been » mais plutôt le témoignage du talent de musiciens d’exception.

Ce disque ravira les fans de Cactus, tirera des sourires nostalgiques aux anciens, surprendra les curieux… et laissera les autres indifférents.

Sweet seventies !

Olivier Aubry